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  • Photo du rédacteurMarie D

Célibataire, pas invisible ou inexistant



(1ère partie d'une suite de réflexions)


D'abord, quelques observations :

Quand, célibataire, je reçus chez moi, un soir, six personnes de la paroisse où je pratiquais alors ma foi – la paroisse organisait des dîners de petits groupes, pour faire ainsi connaissance et vivre de vraies rencontres fraternelles, tous âges et états de vie confondus – j’assistai à une conversation qui me marqua profondément : parmi les convives, trois étaient des personnes célibataires visiblement âgées de plus de cinquante ans (bon… J’imagine ; car j’ai toujours été nulle pour donner un âge aux personnes, vraiment…). Et ces trois convives trouvèrent lors de ce dîner un lieu pour exprimer leur ressenti.


Nous ne sommes pas accueillis dans l’Église ! Nous sommes invisibles ! Regardez : au cours de la Messe, à la Prière Universelle, on prie pour les prêtres, les religieux, les responsables politiques, les personnes malades, les pauvres, les prisonniers, les familles, la communauté… Jamais pour nous, célibataires ! Nous sommes inexistants !! En paroisse, il y a la bénédiction des fiancés, celle des futures mamans, celles des enfants et de leurs cartables à la rentrée scolaire, celle des Petits-Jésus dans la crèche, celle des malades, celle des familles qui partent en vacances, celle de ceux qui restent travailler… Jamais un mot pour nous, célibataires ! On souhaite la fête des mères, la fête des pères, la fête des grands-mères, la fête des personnes consacrées… Et nous, célibataires ?

Ce soir-là, à notre table, il y avait aussi un diacre permanent, et son épouse. J’étais heureuse de leur présence. Et, moi-même célibataire relativement âgée – mais moins âgée que mes convives – j’ai écouté, et esquissé quelques réponses, certainement maladroites...

La semaine dernière, en lisant la revue Famille Chrétienne numéro 2215, j’ai lu que quelques années après ce dîner marquant, les constats étaient les mêmes : on observe, pour les personnes célibataires, une certaine invisibilité dans l’Église (PU, bénédictions, fêtes…). Oui : quelle place les personnes célibataires ont-elles dans l’Église ? Leur laisse-t-on même une place ?


On parle d’états de vie en pensant au mariage ou bien à la vie religieuse. Selon cette perspective, il n'y aurait pas de place pour autre chose. Alors ? Que penser ? Les personnes célibataires, qui ne sont engagées ni dans le mariage, ni dans la vie religieuse, n'ont-elles pas de vocation ?


Pour porter du fruit, il faudrait soit se marier, soit entrer en vie religieuse. Si je n’entre dans aucune case, ma vie est-elle alors gâchée, pourrie, inutile ? Ce qui est certain, c’est que cette idée est une source de profonde souffrance intime.

Aujourd’hui, nous n'allons pas résoudre les problématiques propres à chacun ; essayons simplement de porter nos lunettes de chrétien, ni noires et pessimistes, ni roses et idéalistes ; non : nos lunettes de chrétiens, celles qui nous font voir la réalité des choses, et qui peuvent apporter à notre vue précision et clarté, à notre regard acuité et espérance…



Petits éléments pour un changement d’éclairage :



Les choses changent, peut-être. Non ?

Autour de, et dans l’Église. En témoignent la multiplication des articles et des témoignages sur le sujet (quelques exemples en fin d'article), la recherche en théologie, l’organisation d'un séminaire au Collège des Bernardins, depuis février 2019 :


Ne fonçons pas tête baissée contre l’Église.

Ce « ou bien marié, ou bien consacré », nous le ressentons comme le discours de l’Église. Il est peut-être aussi le résultat d’une certaine pression sociale. Et éventuellement peut-être aussi, d’une pression toute personnelle. C’est peut-être moi qui pense que je dois absolument trouver ma voie parmi ces deux solutions, entrer forcément (de toute force !!) dans une case.

Mais au fait, pourquoi mettre les gens dans des cases ? Pourquoi s’enfermer soi-même dans une case ?

Parler de Céline, femme de Pierre, n’est-ce pas tout de suite risquer de rendre Céline invisible, inconsistante ? Elle n’existerait que comme femme de Pierre ? Si en plus, Céline vous parle en long en large du travail de son mari, mais alors, avez-vous rencontré Céline ?

Quand je rencontre une personne, je ne rencontre pas un état de vie. Je ne rencontre pas d'abord une femme mariée, une religieuse, une personne célibataire, une veuve, une femme séparée de son mari, une personne divorcée ; non, je rencontre une personne qui a une expérience, des centres d’intérêt, des émotions… Quand je rencontre Aude, elle peut me parler de son expérience du célibat.


Je m’ancre dans les choix que je pose. Le choix de développer mon talent de couturière ; je peux alors parler tissus, modèles, difficultés. Le choix de faire des confitures ; échangeons nos recettes. Le choix d’offrir du temps pour faire découvrir le Catéchisme aux enfants de ma paroisse ; parlons de leur émerveillement. Je ne suis pas invisible. Je ne suis pas enfermée dans une case. Je me donne ; je sors de moi. J’ai une place.

Accueillons une certaine mise en question, sereinement. Acceptons de contempler là où nous en sommes.

Suis-je dans le rêve, ou dans la réalité ?

Si je suis célibataire, ces deux « solutions » que j’étudie – vie religieuse ou vie conjugale –, sont deux rêves : je ne suis ni dans un état ni dans l’autre. Et ce rêve non vécu remplit mon cœur de tristesse.


Ce n'est pas la question du "Pourquoi ?" qui me fera cheminer. Celle-ci favorise le repli sur soi, le retour en arrière ou le sur-place, l'accusation vaine, la rancœur destructrice,  l'inquiétude stérile... Pour avancer, posons-nous la question du "Comment ? Comment vivre avec cet état de fait ?"


Comment alors m’ancrer dans la réalité ? Comment accueillir cet état de ma vie où moi je suis ? Comment trouver la place que j’occupe dans la réalité ?


Peut-être certaines images m’aideront-elles à quitter mes vieilles images pour accueillir le regard du Christ sur ma vie.

J’aime me rappeler une homélie prononcée au mariage d’un de mes cousins. J’étais alors célibataire, assez âgée ; je sortais de neuf mois de postulat très éprouvant, au sein d’une communauté religieuse ; c’est moi qui avais demandé à sortir de cette communauté. Tiraillée entre la vie consacrée, vocation religieuse, et le mariage dit vocation commune de tout homme et de toute femme, je me trouvais dans une impasse assez sombre.

J’entendis le prêtre (cela m’a tellement rejointe, que je m’en souviens des années plus tard !) nous exposer que choisir le mariage, c’était choisir un colorant pour sa vie. Le mariage, ou la vie religieuse, ce ne sont pas des buts en soi. Ils sont de l’ordre du moyen choisi librement. Se marier ou entrer en vie religieuse n’est pas un but. Le but, de tout homme et de toute femme, c’est la sainteté, c’est la vie d’union à Dieu.


Cet exposé de l’enseignement de l’Église m’a forgée, et m’a donné d’assumer davantage cet état de célibataire, qui reste de l’ordre d’un moyen, d’un colorant de ma vie.

Au Ciel, dans l’éternité, Dieu me demandera : « Qu’as-tu fait de la grâce baptismale que tu as reçue ? » Lorsque j’ouvrirai mes mains pour montrer ma vie, me dira-t-Il : « C’est bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de choses, entre dans la joie de ton Maître » (Matthieu 25,21 )

Me dira-t-Il : « Entre dans la joie de ton Maître » ?


Me dit-Il, aujourd’hui : « Entre dans la joie de ton Maître ! » ?


La joie. Savoir, être sûr, croire que je suis dans les mains de Dieu. C’est cette certitude qui donne d’être dans la joie profonde, quelles que soient les circonstances présentes, les soucis quotidiens, les tracas personnels. La vie d’union à Dieu est le but de ma vie. Mon état de vie est un moyen.


Cette joie naît dans la prière, dans ce cœur-à-cœur avec le Créateur.

Chaque jour, prendre le temps de fermer les yeux, de respirer profondément, de se blottir dans les mains de Dieu, de L’écouter nous dire : « Tu fais ma joie ».


"Ne crains pas, car je t'ai racheté, je t'ai appelé par ton nom, tu es à moi. Quand tu traverseras les eaux, je serai avec toi et les fleuves ne te submergeront pas" (Isaïe 43, 1-2)

"Parce que tu as du prix à mes yeux, que tu as de la valeur, et que moi je t'aime" (Isaïe 43, 4)

"Ne crains pas, car je suis avec toi" (Isaïe 43, 5)

"Tu seras une couronne de gloire dans la main du Seigneur, une tiare royale dans la paume de ton Dieu. On ne te dira plus : "Abandonnée !" et de ta terre on ne dira plus : "Délaissée !" mais on t'appellera : "Mon-plaisir-est-en-elle", et ta terre : "Épousée" ; car le Seigneur mettra son plaisir en toi et ta terre sera épousée." (Isaïe 62, 3-4)


Être sûr que je suis dans les mains de Dieu. Le regarder porter son regard sur moi. Me trouver beau, ou belle, sous son regard. Visible. A ma place. C’est un moyen efficace de rayonner ensuite, et d'accueillir le célibat avec certainement davantage de sérénité.


Je ne suis pas invisible ; Dieu a son regard porté sur moi. Je ne suis pas inexistant. J’ai du prix aux yeux de Dieu.

Déjà dans mon cœur. Ensuite, raffermie dans cette certitude, cela rejaillit sur le quotidien, dans la société, sur mon lieu de travail, dans mes amitiés, à la paroisse, dans l’Église.

Et aussi, n’oublions pas que c’est nous, l’Église.

La tentation est souvent grande de reporter la responsabilité de ma souffrance intime sur quelqu’un, d’être dans l’attente que l’on fasse pour moi, ou que quelque chose arrive pour tout solutionner. Or, si nous pouvons déplorer que certaines personnes dans l’Église ne prêtent pas attention aux célibataires, n’oublions pas que l’Église, c’est d’abord nous.

« Le mot "Église" désigne (…) toute la communauté universelle des croyants. (…) "L’Église", c’est le Peuple que Dieu rassemble dans le monde entier. » (CEC § 752)

« nous sommes en elle sur la terre comme les pierres vivantes qui entrent dans la construction » (CEC § 756)

« La condition de ce Peuple, c’est la dignité de la liberté des fils de Dieu (…) ; sa loi, c’est le commandement nouveau d’aimer comme le Christ Lui-même nous a aimés (…) ; sa mission, c’est d’être le sel de la terre et la lumière du monde » (CEC § 782)

C’est moi, baptisé, qui peux faire bouger, mettre en mouvement. Et si je fais bouger, avec d’autres, au nom de l'amour du Christ, je forme Église. Et si je fais bouger, en tant que baptisé, c’est l’Église qui bouge.

Des initiatives d’Église :

Créé en 2018, le groupe a pour objectif de faire connaître les diverses initiatives de l’Église (paroisses, communautés, mouvements, etc.) à destination des personnes qui vivent, aujourd'hui, un célibat non choisi, et de sensibiliser les responsables ecclésiaux à la richesse du célibat non choisi et non consacré, vécu en fidélité à l’Église.


Groupe Facebook Little Célib : « groupe de sensibilité chrétienne ayant pour objectif de partager autour de la thématique du célibat et des relations homme/femme en général. (…) Little Célib n’est pas un site de rencontre. » (Page Facebook de Little Célib) « Espace de débat entre chrétiens célibataires » : qu’est-ce, sinon une communauté de personnes célibataires, qui font Église, qui sont l’Église. Voilà une porte de visibilité des personnes célibataires dans l’Église !

Une page du site du diocèse d'Aix :

Et, sur cette page, un très beau témoignage : "Je suis célibataire, ai-je raté ma vocation ?"


Enfin, contemplons la Vierge Marie. Elle est Mère de Dieu. Mère de Dieu !!!!! Et ses compagnons de vie le savaient-ils ? A-t-elle cherché une autre visibilité que la sienne ? Contemplons son humilité. Elle est à sa place. Invisible comme Mère de Dieu, et pourtant ô combien présente ! Elle sait que Dieu est avec elle, et cela comble son cœur de joie. Elle sait que Dieu trouve sa joie en elle, et cela nourrit sa paix.

N'ayons pas peur d'une certaine invisibilité. Elle n'efface pas notre présence. Elle n'élimine pas notre existence.

Puisse Marie nous guider vers la vie d’union à Dieu.




Sur ce blog, vous apprécierez peut-être certains articles qui font écho :

Conversion de regard sur le célibat, partie 1 et partie 2

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