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Photo du rédacteurAgnès A

La vie est belle !

Peut-être ce billet semblera-t-il polémique. Et pourtant, ce n’est même pas un coup de gueule… Non, c’est plutôt un coup de cœur. Une ode à la générosité dans l’amour de mon fiston. A sa rage de vivre qu’il a, chevillée au corps, chevillée au cœur, et qui le fait vibrer à chaque instant. Au fait qu’il rêve, imagine et joue, comme si le temps n’avait pas d’importance. Comme si goûter à l’éternité dès à présent était nécessaire, vital, urgent.

Vous souvenez-vous de Benigni dans La Vie est belle, incarnant ce père juif déporté avec son fils auquel il est tout donné? Malgré les circonstances, et jusqu’au bout, jusqu’à la mort, il vécut pour faire rêver son petit garçon. Il mit tout en œuvre pour que celui-ci ait une enfance heureuse, même aux heures les plus sombres de l’Histoire. C’était un projet fou. Mais ça a marché.


Aujourd’hui, le quotidien de mon garçon, c’est de ne plus jamais voir le sourire d’un adulte, caché derrière un masque. Sa maîtresse, le pharmacien, la caissière du supermarché et même le prêtre, ne sont plus qu’une paire d’yeux difficile à décrypter.

Son quotidien, c’est de voir les gens entrer dans une église, et remplacer de façon rituelle le geste du signe de croix à l’eau bénite qui lave l’âme, par celui du frottement de mains au gel hydroalcoolique qui tue toute vie résiduelle.

Son quotidien, c’est de ne pouvoir courir dehors qu’une heure par jour, dans un périmètre d’un kilomètre autour de son appartement citadin. Le bitume et la grisaille ambiants remplacent les promenades d’automne en forêt à ramasser des marrons et collectionner des feuilles rougeoyantes.

Son quotidien, c’est de voir les grandes personnes garder leurs distances, ne plus s’embrasser, ne plus manifester de gestes de tendresse, ne plus s’y risquer.

Et encore, mon enfant n’a pas atteint les six ans. Sinon son quotidien, ce serait de retrouver ces visages masqués à la même hauteur que lui, et de n’avoir plus que le regard dépassé de ses petits camarades à contempler. En plus de devoir lui-même cacher son visage du matin au soir.

Rien de comparable avec les camps de concentration, me rétorquerez-vous… Et puis, les enfants ont une capacité d’adaptation insoupçonnée. Oui. N’empêche que quelques mois, et peut-être même quelques années, à l’échelle de la vie d’un petit garçon de bientôt 3 ans, c’est énorme. Et ça marque.

Et puis mon rôle de maman, c’est de faire comme Benigni, c’est de faire rêver mon bébé et lui faire vivre un semblant de normalité dans un contexte inédit. C’est lui apprendre ce qu’est le réel. Ce qu’il a de beau. De vital. C’est de préserver en lui cette rage de vivre, qu’on devrait tous avoir. Parce que les enfants, dès le plus jeune âge, ont conscience qu’ils vont mourir. On parle d’angoisse de séparation des tout petits. Cela prend racine dans cette crainte, saine, de la mort.


Une crainte avec laquelle l’enfant sait instinctivement vivre, avec laquelle il danse un tango, passionnément, avec folie, avec amour. Chaque seconde est éternelle parce qu’il est mortel. Et parce qu’au fond, il le sait depuis toujours. Il l’a su dès sa première inspiration en ce monde.

Mais nous, les grandes personnes, on oublie souvent ce que c’est que de vivre. Pourtant on va tous mourir. Tous. C’est inéluctable. Va-t-on se contenter d’une vie maussade dans un monde aseptisé jusqu’à cette échéance ? Nous sommes faits pour la Vie éternelle. Mais celle-ci se vit dès ici-bas. Va-t-on être les artisans du Royaume des Cieux quoiqu'il nous en coûte?

On oublie que le confort n’a pas été le maître-mot des saints, des martyrs ou des héros. On oublie que dans ce sourire, qu’on s’échange et qu’on ne voit plus, se joue toute notre humanité. La vie est belle! Elle est belle lorsqu’elle est pleinement vécue. Qu’elle dure 10 ans ou 90 ans, peu importe finalement. On ne sait jamais de quoi demain sera fait, et c’est pour cela qu’il est nécessaire, vital, urgent, de vivre dès à présent.

Je pensais être celle qui préserverait mon enfant de ce monde inquiétant, lequel inverse biens et valeurs. Celle qui lui donnerait les armes pour mener une vie héroïque. Une vie qui vaut la peine d’être vécue. Une vie pleine des autres et pleine de l’Autre. Une vie pleine de fragilité et de vulnérabilité accueillies librement. Une vie pleine de Dieu et de Sa Toute-puissance.

Illustration de Maylis Clerget, publiée avec son accord.

Compte Instagram @maylis.illustrations.


La vérité, cependant, c’est que c’est mon enfant qui m’enseigne tout cela. Et c’est par lui et grâce à lui que je reprends mes esprits, comme étourdie après un long rêve éveillé. Sa petite main potelée caresse ma joue et arrache ce masque de papier ou de chair que l’on revêt pour subir la vie au lieu de la vivre. Ses bisous mouillés et ses tendres câlins font fi de toute recommandation gouvernementale, de toute prudence maladive. Son rire clair et son sourire taquin m’ancrent sur terre et propulsent mon cœur jusqu’au Ciel.

Le voilà mon coup de cœur. La vie est belle! Mon fiston l’a bien compris.

2 comentários


Membro desconhecido
12 de nov. de 2020

Merci à vous pour cette illustration parlante... Coup de cœur immédiat !

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Mayliss Cle Clerget
Mayliss Cle Clerget
08 de nov. de 2020

Merci pour ce très bel article qui met de très jolis mots sur mon dessin ❤️❤️🙏

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