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Larmes de femmes 2/2

Père Valentin nous a proposé ici une réflexion sur la détresse humaine, éclairée par ceux qui dans l'Écriture ont crié vers Dieu :

  • Les larmes d'Hagar, un langage sans un mot

  • Les pleurs de Ruth, le lieu d'un choix

  • Les pleurs de la fille de Jephté, son chemin de vie

Voici la suite de sa recherche.



On dit que les larmes lavent l'âme. Oui, elles peuvent soulager, consoler, détendre. Et parfois porter du fruit.


C'est sur cette fécondité des pleurs que s'est penché Père Valentin, qui nous offre ici quelques lignes. Merci !


NB : Cet article se lit avec une Bible à la main ; il s’agit d’un parcours à travers quelques passages de l’Écriture.





La fécondité des pleurs de femmes dans la Bible


Au cours de ma recherche est apparue une scène type récurrente : une femme pleure ; Dieu lui répond. C’est comme ça que le sous-titre « la fécondité des pleurs de femmes dans la Bible » fut trouvé, en lien avec l’enfantement parfois difficile des personnages bibliques.



Les pleurs d'Anne, une prière de confiance (1 S 1)

C’est au tour d’Anne, la mère de Samuel, de pleurer devant le Seigneur. Dans sa bouche, dans son cantique, l’Écriture place la première annonce explicite du Messie (1 S 2, 10). Cette femme a beaucoup d’échos dans le début du Nouveau Testament, comme Hagar. Elle est le personnage inaugural des livres de Samuel qui voient apparaître Saül puis David.


Stérile et pourtant bien-aimée de son mari Elqana, elle subit les affronts de sa rivale Peninna. Elle n’a pas d’enfant parce que « le Seigneur avait fermé sa matrice », nous dit la Bible. La question de l’enfantement dans l’Écriture est une vraie question spirituelle. Il ne s’agit pas seulement d’avoir un mari, mais d’être en lien avec le Seigneur.


Anne met en évidence – à la suite de Saraï (Gn 16) et Rachel (Gn 30) – qu’une femme n’est pas bâtie par son mari, mais par le Seigneur, qui donne des enfants. C’est bien là une continuité du second récit de création où Dieu bâtit la femme à partir de la côte de l’homme (Gn 2, 22).


Finalement, Anne pleure pour demander un enfant au Seigneur. Sa prière pleurante provoque l’incompréhension du prêtre Eli qui la croit d’abord ivre, avant de lui dire que le Seigneur exaucera sa demande.


Et dans sa générosité joyeuse, Anne donnera le fruit de sa prière au Seigneur[1].


[1] En passant, citons simplement deux autres femmes qui font une demande en pleurant : la reine Esther n’hésite pas à s’humilier et pleurer devant le roi pour sauver son peuple, tandis que Dalida poursuit Samson de ses pleurs en lui reprochant de ne pas l’aimer pour percer le secret de sa force.




Les pleurs de Sara : de la détresse à la joie (Livre de Tobie)

Puis un détour par les livres deutérocanoniques nous fait voir le personnage de Sara, qui revisite beaucoup des passages connus du Pentateuque. Elle porte le nom de l’épouse d’Abraham, mais rappelle Hagar, la première pleureuse de la Bible, à qui apparaît aussi un ange.


Comme Anne, la mère de Samuel, Sara a une prière empreinte de pleurs. Son problème n’est pas la stérilité, mais que ses 7 maris sont morts avant qu’elle soit unie à eux, le soir des noces. En cela, elle rappelle Tamar, la belle-fille de Juda (Gn 38).


Sara voudrait se pendre, mais elle redoute la tristesse de son père. Alors elle supplie le Seigneur de la faire mourir.


En parallèle, le récit nous présente Tobie, que son père envoie chez un ami récupérer de l’argent qu’il a laissé en dépôt. Lui aussi craint de laisser ses parents sans sépulture, s’il ne revient pas vivant.


Ce récit a une part d’extraordinaire, puisque Tobie sera conduit par l’ange Raphaël. Pourtant, il nous présente des situations de vie, deux personnes qui crient vers Dieu leur détresse, et dont le Seigneur unit le destin.

Il nous montre des personnages qui prient et Dieu qui répond par l’intermédiaire d’un ange.

Les pleurs de détresse du début du livre nous conduisent aux pleurs de joie lorsque Tobie revient auprès de ses parents avec sa nouvelle épouse Sara, et qu’il redonne la vue à son père.





Les pleurs de Rachel : un cri à travers la Bible

(Gn 30 – Jr 31 – Mt 1)

Les pleurs de Rachel ne sont pas racontés dans la Genèse, mais ils sont repris par le prophète Jérémie. Et saint Matthieu le cite lors du massacre des enfants au début de son Évangile : « Alors s’accomplit ce qui avait été dit par le prophète Jérémie : Une voix dans Rama s’est fait entendre, des pleurs et une longue plainte ; c’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, parce qu’ils ne sont plus. »


Rachel est une des femmes de la Bible pour qui la fécondité est difficile. « Donne-moi des fils ou je meurs » dit-elle à son mari Jacob. « Suis-je, moi, à la place de Dieu ? Lui qui n’a pas permis à ton sein de porter son fruit ? » lui répond-il (Gn 30, 1-2).

Comme Elqana, Jacob tourne le regard de son épouse vers le Seigneur.

Rachel enfantera finalement deux fils. Joseph le préféré de Jacob sera vendu par ses frères. Elle mourra en couches du deuxième, Benjamin. L’oracle de Jérémie inverse donc les positions, puisqu’il parle de Rachel qui pleure ses enfants qui ne sont plus, alors que c’est elle qui meurt prématurément.

Le prophète qui écrit à l’époque de l’exil nous indique que la vie n’est pas toujours là où l’on pense.

Le Seigneur peut changer le deuil en joie, et il commande de ne pas pleurer pour celui qui est mort, mais plutôt pour celui qui s’en va (Jr 22, 10).
La Bible nous promet même la fin des pleurs dans les dernières lignes de l’Apocalypse (Ap 21, 4).




Marie-Madeleine et les pleurs dans l’Évangile : un chemin de conversion

Enfin le Nouveau Testament, dans la continuité de ce que nous avons déjà lu, nous présente aussi quelques pleurs.

Ceux que nous retenons sont ceux de Marie, qui ont donné l’expression de pleurer comme une madeleine. A la suite de saint Grégoire le Grand, nous rapprochons les trois Marie des Évangiles : Marie c’est la femme qui est relevée par Jésus, qui lui lave les pieds avec ses larmes lors de leur rencontre en Lc 7 ; c’est aussi celle avec qui Jésus pleure la mort de Lazare en Jn 11 ; et c’est encore celle qui pleure au tombeau en Jn 20.


Ses pleurs accompagnent son chemin de conversion. Si en Lc 7 ils sont signes de la purification et de l’amour qu’elle montre pour Jésus, ils sont simplement signes de deuil en Jn 11. Mais ce deuil rapproche Marie de Jésus puisqu’il pleure avec elle. Le verset le plus court de la Bible (Jn 11, 35 « Jésus pleura ») manifeste l’humanité de Jésus.

Et cette humanité liée à sa divinité, c’est le point de départ du salut, parce que Jésus aime Lazare. Il nous aime, et c’est pour cela qu’il nous mène à la Résurrection.

Enfin, les pleurs de Marie en Jn 20 lui permettent de voir au-delà du tombeau vide. C’est à travers ses larmes qu’elle voit deux anges, là où était le corps de Jésus. Et c’est alors qu’elle se retourne à deux reprises, pour reconnaître Jésus seulement la deuxième fois, à la deuxième étape de son retournement.





Pour conclure

Ce travail m’a permis de parcourir toute la Bible à la recherche des occurrences des pleurs. Il y aurait tant à dire sur le sujet que j’ai dû beaucoup me limiter, mais l’expérience reste lumineuse.

Le Seigneur ouvre les yeux de ceux qui le cherchent, de ceux qui crient vers lui et le supplient dans les larmes. Il donne une fécondité là où nous n’attendons plus rien. Il utilise nos pleurs, tout en nous en promettant la fin, lorsque nous serons auprès de lui.


Père Valentin

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