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Le post-partum: cette période tant ignorée dans la vie des femmes

Récemment, le hashtag #monpostpartum a permis de briser de nombreux tabous concernant la suite de couches, moment difficile après l'accouchement, dont on parle peu, et auquel nous ne sommes pas préparées. Quatre féministes ont voulu lever le voile sur ces semaines si particulières et si difficiles pour certaines. Je vous propose de nous questionner sur cette période en essayant de la mettre en lumière et de la comprendre, sans vouloir mettre sous les projecteurs l'intimité des femmes, mais en découvrant les aspérités d'un tableau trop souvent brossé comme une image parfaite.

Attention: une femme, c'est une grossesse, un accouchement, et un post-partum uniques. En aucun cas je ne fais de généralités. Mon travail s'inspire ici de nombreux échanges, et il relate des difficultés palpables et malheureusement trop courantes. Mais fort heureusement, certaines ne se retrouveront que très peu dans ce que j'affirme parce qu'elles le vivent de manière plus sereine; d'autres en revanche, parfois traumatisées, trouveront mes mots trop légers.


La naissance d'une mère.


Autrefois, la jeune accouchée bénéficiait de 40 jours, appelés Relevailles, au cours desquels notamment elle prenait le temps de se remettre sur pied, de s'occuper d'elle et de son bébé tout en se fortifiant après ce marathon de la naissance. Six semaines. Six semaines de repos, de soins, avant de revenir à la vie sociale et de retrouver un peu d'énergie. Dans certaines cultures, très familiales, la vie en tribu permettait à la jeune mère d'être entourée, surtout par un public féminin (sa mère, ses tantes, ses soeurs...) qui prenait le relais pour l'entretien de la maison, les soins du bébé, et venait le porter à sa mère lorsqu'il fallait le nourrir. Par des massages, des recettes spéciales, des soins, on redonnait petit à petit à la jeune mère un peu de vitalité.


"(Dans certaines sociétés), La mère est comme maternée par les autres femmes, dans une sorte de compagnonnage qui encadre cet apprentissage du plus difficile des métiers. Elles prennent soin de toucher le corps de la jeune maman, de le masser, de le contenir par des bandages, ce qui contribue à lui redonner des limites précises, des sensations, des repères dans l'espace. La brutalité de la séparation représentée par la naissance est atténuée par le rapprochement de la mère et de l'enfant, en tant qu'éléments bien individualisés."

Bernadette de Gasquet, Mon corps après bébé


Petit à petit, ces traditions ont disparu. Notre mode de vie devenu éclaté, la présence d'une communauté de femmes autour de la jeune maman et de son bébé est rare aujourd'hui. De plus, les maris ne bénéficient que de quelques jours de congés, ce qui est dérisoire par rapport à l'énergie que demande un petit être qui vient de naître. Enfin, la société laisse peu de temps aux femmes pour se remettre de leur accouchement. Deux petits mois doivent suffire à retrouver la ligne, à être aussi fraîche qu'avant, à avoir allaité puis sevré son bébé: un timing serré quand on pense à ce qui se joue à la naissance, tant dans le corps de la mère que dans sa tête, dans le petit bébé encore si fragile, et bien sûr, dans cette entité devenue famille. Alors que la grossesse est ultra-suivie, la mère est livrée à elle-même en suite de couches. Nous voici donc dans un monde où l'on attend de la jeune mère, qui fut le centre de l'attention pendant neuf mois, de s'oublier totalement au profit d'un petit être qui n'est autre que le prolongement de son corps. Oui, un bébé est fusionnel avec sa mère jusqu'à très tard, et les hormones fabriquées par cette dernière la lient à son tout petit malgré elle. A peine sortie de la maternité, elle se doit d'accueillir, tout sourire, les visites qui pleuvent et les cadeaux, dans une maison propre et rangée. Inutile d'évoquer ici les inconforts dus à la mise au monde, qui rappellent à la mère ce que son corps a enduré.


Une psychiatre américaine, spécialiste de la reproduction, Alexandra Sachs, a démocratisé en 2018 ses travaux sur ce qu'elle nomme la matrescence. Ce mot n'est que la contraction de "maternité" et "adolescence". Pourquoi ce parallèle ? L'adolescence, autrement dit le passage à l'âge adulte, est constitué de changements hormonaux profonds, de grandes modifications physiques, et finalement d'un bouleversement psychologique intense. Alexandra Sachs explique en quoi devenir mère est un passage semblable, dans la difficulté, à celui de l'adolescence.


"Vous souvenez-vous de quand votre corps s’est mis à changer de façon étrange et que tout le monde s’attendait à ce que vous réagissiez de façon adulte ? C’était l’adolescence. Ces mêmes changements arrivent à une femme qui attend un enfant et nous n’avons même pas de mot pour définir ce processus. Nous en avons besoin"

Alexandra Sachs, dans une de ses conférences Ted, 2018.


La matrescence, c'est la naissance d'une mère. Elle est aussi belle qu'éprouvante.



L'image que l'on a du post-partum.


Enceinte de mon premier bébé, et profondément heureuse du déroulement facile de ma grossesse, j'étais focalisée sur l'accouchement. J'avais pour projet de vivre un accouchement naturel, dans une maison de naissance. Préparée, je ne l'étais pas vraiment. J'avais appris que même les meilleures préparations du monde ne garantissent rien; que dans le cadre d'un accouchement physiologique, ce qui compte c'est d'avoir confiance en son corps; qu'on n'apprend pas à "pousser" comme on apprend à lire... Pleine de toutes ces vérités, je pensais à la rencontre avec mon fils. J'avais hâte que l'accouchement soit derrière moi, pour pouvoir profiter pleinement du bonheur d'être mère. Un jour, la sage-femme qui me suivait nous proposa, à mon mari et à moi, de parler de "l'après". Ouvrant des yeux ronds, je l'interrogeais du regard. Elle nous parla de la suite de couches pendant toute une séance. Je l'avoue, je retins peu de choses. Elle nous conseilla de faire attention à ne pas accepter trop de visite une fois rentrés chez nous avec notre bébé; elle nous avertit que je ne devrais en aucun cas toucher un balai ou faire la vaisselle quand mon mari reprendrait le travail; elle me donna des références de livres, me parla de la rééducation du périnée, et ce furent toutes les bribes qui restèrent dans mon esprit. Je ne savais même pas qu'après avoir accouché, on saignait pendant plusieurs jours.


Beaucoup de mères, de plus en plus même, sont moins inconscientes que moi. Mais si l'on quitte la sphère maternelle pour observer celle de la société, que voit-on ? Un véritable embellisement du post-partum et de la maternité. Une culpabilité qui pèse sur les mères, invitées à reprendre le chemin du travail alors que leur tout petit est encore minuscule. Une pression pour faire bonne figure. On n'imagine pas, quand on vient visiter une jeune maman (et c'est normal), les difficultés qu'elle peut ressentir. La maman peut avoir du mal à accepter que son bébé soit devenu le centre de l'attention; elle aurait besoin de manger correctement, mais devant tout faire elle-même, elle ne se nourrit que de plats préparés qui augmentent ses maux; elle peut être gênée par cette "purge" que son corps traverse (transpiration, bassin encore ouvert); elle peut tout simplement avoir du mal à retrouver son corps devenu étranger. Mais on l'attend. Tout sourire. La société veut des self-made-mothers, des femmes qui se construisent seules, qui assurent, qui retrouvent la ligne en quelques jours, se lèvent et entretiennent la maison tout en s'occupant de leur bébé et en étant fraîches et pimpantes.


La tendance, actuellement, s'inverse parfois: on parle tellement du post-partum dans des termes crus que les futures mamans sont plus inquiètes de voir venir cette période que celle de l'accouchement. Les tabous tombent, parfois durement, avec des images qui peuvent effrayer. La question ici est: faut-il tout dire sur la période post-natale ? Certainement pas. A chaque femme son post-partum.


Dans les coulisses des suites de couches.



Imaginez maintenant que vous venez d'escalader le Mont Blanc. Vous êtes en haut. Vous avez souffert. Vous êtes passé par des états inimaginables au cours de cette ascension, vous avez eu des sensations que vous n'auriez jamais cru avoir. Maintenant, vous contemplez la merveille qui s'offre devant vous, et vous ne regrettez rien. Vos pieds et votre dos sont peut-être douloureux, mais la joie est immense. Ceux qui vous entourent la partagent, et la communion entre les âmes est palpable. Votre corps endolori vous rappelle certains besoins humains: s'assoir, boire, manger... Puis, au bout d'un moment, le guide de montagne vous parle de la descente.


La descente. Mot qui explique parfaitement ce qui peut se vivre en post-partum.

Descente hormonale. La fin de grossesse, l'accouchement et la naissance portent à leur paroxysme les taux d'hormones dans le corps de la femme qui vibre littéralement et mystérieusement. Puis, un ou deux jours après, une chute brutale des hormones se produit, provoquant un véritable choc. "On peut dire que la jeune accouchée est en état de ménopause brutale" (Bernadette de Gasquet). La jeune mère peut alors pleurer facilement, se sentir fragile, épuisée, démoralisée ou encore très seule. Ce moment, pivot, est celui ou apparaissent clairement les symptômes de la dépression post-partum. Le baby blues, c'est cette chute hormonale, normale et physiologique qui dure quelques jours. La dépression, elle, n'est pas normale et dure plus longtemps: des semaines, des mois, voire des années. Elle se soigne et il est important de le faire.


Descente corporelle. D'un corps rond, beau, presque majestueux (et il faut le dire également en fin de grossesse: potentiellement lourd, douloureux et fatigué), il ne reste plus grand chose. Le ventre est vide. Le bas du corps, c'est-à-dire ce qui fut le passage du bébé, est pesant, encore ouvert, et a été comme violenté par le tourbillon magnifique de l'accouchement. Une déchirure, quelques points de suture, ou encore des membres endoloris par une péridurale mal dosée, une montée de lait difficile... Ils sont nombreux, les maux du corps après ce marathon. Ils ne sont pas énumérables car propres à chaque femme. Ils ne sont pas insurmontables non plus, mais nécessitent des soins particulier que les femmes ne peuvent pas toujours s'offrir. Ils rappellent à la jeune mère ce que son corps vient de vivre: un véritable bouleversement. Remettre cela en perspective est important: ce traumatisme a du sens. Il est celui du don de la vie.

Descente sociale. Pendant neuf mois, la femme enceinte a été suivie, auscultée, questionnée, choyée. Puis la naissance arrive, et les contradictions se multiplient. On lui parle d'instinct maternel, mais elle se sent désemparée devant ce bébé et ses besoins; accaparée par lui sans pouvoir s'écouter elle. On encense l'allaitement, tout en lui reparlant de sa reprise du travail. On lui demande si son bébé fait ses nuits, s'il va bientôt aller à la crèche, alors qu'elle saigne encore de l'arrivée de ce tout petit. On lui donne des conseils bienveillants sur la manière d'être mère, alors qu'elle en est encore au stade ou son propre corps lui semble étranger. La jeune maman peut se sentir extrêmement tiraillée. Le monde qu'elle a connu peut lui paraître hostile. Tout ce qu'elle pensait vivre ne se déroule pas forcément comme prévu. L'inconnu est difficile à apprivoiser, et il faudrait déjà que tout soit redevenu normal.


Descente relationnelle. Les hormones sécrétées par la jeune mère agissent de manière à favoriser l'attachement mère-enfant. On parle de fusion. Cette dernière, totale au cours de la grossesse, a besoin de se prolonger un peu après. Mère et enfant ont besoin de repères. Le bébé reconnaît sa mère à son odeur et à sa voix, il a besoin d'elle. De son côté, elle est irrésistiblement attirée par son petit. Cependant, cette relation fusionnelle peut être d'une part altérée par des contraintes extérieures (comme la reprise du travail par exemple, ou un allaitement qui se passe mal), ou encore s'avérer éprouvante pour le père de l'enfant. Souvent, la libido de la jeune mère est quasi nulle. Mis à l'écart, celui-ci, malheureux, ne comprend pas forcément ce qu'il se passe. Cette descente relationnelle souligne l'importance de ce moment délicat dans la fondation de la famille. Le noyau qu'est le couple, éprouvé, doit alors retrouver son ciment pour que chacun soit à sa place. Un membre supplémentaire dans une famille, au delà de la joie qu'il engendre, demande des ajustements parfois douloureux.


Que faut-il faire alors ?

Il me semble que la solution n'est pas de dévoiler crument chaque douleur, chaque inconfort rencontré lors des suites de couches. L'intimité des femmes doit être protégée. Cependant, il convient de dire les choses avec les bons mots. Quatre féministes ont lancé le hashtag #monpostpartum pour permettre aux femmes de parler. D'accord. Mais cela ne suffit pas. Le docteur Bernadette de Gasquet propose plusieurs solutions, en écho avec ses recherches sur les sociétés traditionnelles, pour améliorer cette période transitionnelle délicate, si négligée dans notre monde contemporain:

1. Entourer la jeune maman (prendre soin de sa maison, prévenir la dépression, gérer les visites...)

2. Lui procurer des soins précis (alimentation, apport de chaleur, élimination...)

3. Le repos maximum (au moins 21 jours allongée pour ménager les tissus dont l'élasticité a été mise à mal)

4. Une prise en charge "mécanique" (refermer le bassin, resserrer le périnée)


"L'instant de la naissance de votre enfant est essentiel pour diverses raisons: c'est enfin le grand moment de la rencontre tant attendue, c'est le début de la vie d'un tout petit être qui vient de traverser l'évènement intense de l'accouchement, et c'est l'aboutissement de nombreuses projections élaborées durant plus de neuf mois. Ce n'est aucunement la fin de ce voyage vers la maternité, ce n'est que le début. C'est aussi une période qui renvoie à votre propre naissance en tant que mère."

Julia Simon, Bien vivre le quatrième trimestre au naturel


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