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Photo du rédacteurAnne-Sophie A.

Mère Teresa, la sainte de l’abandon

Qui n’a jamais entendu parler de Mère Teresa, reconnue sainte par ses contemporains avant même d’avoir été canonisée par l’Église de Rome, réputée de son vivant pour avoir été une missionnaire hors pair, suscitant l’admiration feutrée des témoins de son existence peu ordinaire ?

Son visage émacié de minces ruisseaux creux, entourant son sourire simple et ses yeux rieurs était reconnaissable entre tous. Et pourtant, sœur Teresa n’aurait probablement pas apprécié de recevoir autant d’éloges. Car derrière les flash des paparazzis et les gros titres de la presse mondiale, ce petit bout de femme semblant plus fragile qu’une colombe vomissait ce pouvoir qu’on lui donnait. En son for intérieur brillait une lumière plus vive encore, offerte aux yeux du monde par son message d’humilité hors du commun. C’est cette force impalpable qui nous interroge chez cette dame, canonisée à peine quelques années après sa mort.

 

Un amour noble « pour servir »

Sous la couronne rosée d’un ciel de crépuscule, Agnès Bojaxhiu marche dans les rues insalubres de Calcutta. Perdue dans la ville aux mille âmes et aux mille dangers, cette enfant d’Albanie née à l’aube des horreurs de la Grande Guerre cache la déroute que lui procure ce spectacle misérable. Elle a pourtant grandi dans la terreur et les violences des conflits ethniques et religieux de la région des Balkans.

La moiteur chaude des nuits infestées de moustiques n’efface pas les corps décharnés des vieillards, ni les regards hagards des enfants affamés, ni ne font disparaître le bruit incessant de la ville aux millions d’habitants. L’extrême dénuement dans lequel erre la petite religieuse la frappe et la bouscule. Il lui faut se rappeler tout l’amour et la tendresse transmis par sa mère, son formidable exemple de charité envers les plus démunis de leur quartier, alors qu’eux-mêmes avaient à peine de quoi se nourrir. C’est elle qui lui a fait goûter à la gratuité de l’abandon. Oh, comme elle lui manque ! Mais le sacrifice de ce bonheur chaleureux et inoubliable en valait la peine.

Sœur Teresa a terminé depuis peu son noviciat. Elle a pris le nom de sa sainte préférée, celle de l’amour, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Car une force l’a attirée de toute son âme et de tout son cœur jusqu’ici, en Inde, pour devenir missionnaire. Aussi, alors qu’elle enseigne aux jeunes filles de bonnes familles et devient directrice du collège, elle entend de plus en plus fort cette voix intérieure qui crie bientôt au-delà des bâtisses de ce lieu protégé.

La religieuse de Notre-Dame de Lorette s’échappe et court de villes en villes, de train en train à la recherche de Celui qui l’attire à elle de toutes ses forces. Et puis, secourant les malades et les plus démunis qui meurent dans les rues des bidonvilles, sœur Teresa finit par entendre clairement la voix de Dieu.

 

“I Thirst”

“ Viens, sois ma lumière, mon feu d’amour. J’ai soif ! ”

Sœur Teresa n’a pas rêvé. Elle s’est sentie touchée par le doigt du Très-Haut. Elle a ressenti son incroyable amour pour les âmes de ce monde. Elle devrait être heureuse, rayonnante d’avoir été choisie. Cependant, la religieuse laisse couler des larmes sur sa peau burinée. Car elle a entendu, non pas une voix, mais un cri : l’effroyable souffrance du Christ, rejeté et humilié sans cesse. Jésus, le Sauveur de l’humanité, désire que sa fille rayonne de charité auprès des hommes, à commencer par les plus pauvres d’entre eux, afin qu’ils Le connaissent.

Tout se trouve alors chamboulé dans sa vie de religieuse. Elle ne veut désormais qu’être tout au service de Jésus, partageant son humiliation et ses souffrances pour le salut des âmes, amenant vers elle une joie improbable dans la tourmente ténébreuse et brutale de la misère humaine.

Elle quitte tout, prend un nouvel habit bleu et blanc, celui des torchons, le plus sobre possible. Elle se mêle aux Indiens, à leur rythme de vie, à leur indigence. Et puis elle demande à fonder son ordre, celui des Missionnaires de la Charité. Nous sommes encore surpris, de son courage et de sa foi. Est-ce parce qu’elle était une femme, plus sensible, moins armée dans ce vaste pays où la vocation et la beauté féminines semblent noyées dans une culture d’asservissement et de résignation ?

Très vite, ses petites élèves d’abord, puis des femmes, des hommes et des prêtres venus du monde entier la rejoignent. Car par son exemple d’humilité et de service, Mère Teresa suscite des vocations. Elle fourmille de projets, tournés sans cesse vers l’amélioration de la vie des plus démunis, des orphelins, des femmes abandonnées et des mourants, transmettant l'essentiel de cette audace jamais vue depuis Saint Vincent de Paul: tout faire par amour, "tout pour Jésus”.

Sa congrégation et sa renommée prennent une telle ampleur, qu’elle suscite bien de la méfiance et de la jalousie auprès des plus puissants des administrés, et bientôt du monde entier. Or cette œuvre d’amour n’a pu être possible sans sa foi inébranlable. Car Mère Teresa s’est laissée conduire en toute confiance par le Père, devenant au sens propre l’instrument de Dieu.

 

La confiance et la joie en Dieu

Le corps de Mère Teresa se courbe vers le sol, totalement abandonné, le front contre le sol frais des petits carreaux abimés. Dans la chapelle, l’oraison dure plus longtemps qu’à l’accoutumée. Les sœurs se sont plaintes de ne pas avoir assez de temps pour aller visiter tous les pauvres et les mourants dans la journée. Leur mère n’a pas trouvé d’autre solution que de prier encore devant le Saint Sacrement. L’hostie consacrée, le corps vivant du Christ en Croix est la seule source de toute joie, de toute charité, de tout amour. Là réside le secret de la sainte femme.

Si nous sommes sceptiques de son parcours, si nous ne voyons que l’aura qu’elle avait et les mains serrées avec les plus crapuleux des chefs d’États, regardons de plus loin. Voyons la patience, la peine, la souffrance de cette personne abandonnée jusque dans ses prières, dans une angoisse incompréhensible, semblable à celle vécue par Jésus au soir de sa passion, dans le jardin de Gethsémani.

Elle a pourtant tout offert au Bon Dieu pour sauver les âmes du monde pour devenir cet “être rien”, laissant son Créateur prendre tout ce qu’Il a voulu en elle, jusqu’à la sensation de se sentir accompagnée par Lui. Elle nous a montré que le don gratuit d’elle-même l’a amenée à se détacher de ses propres souffrances pour se tourner entièrement vers les autres.

Oui, Mère Teresa nous bouscule et dérange notre confortable routine. Au-delà de sa charité incroyable qui nous semble difficile à imiter, elle nous invite à nous dépouiller et à laisser Dieu entrer dans notre quotidien, nos actions, notre vie.

Aussi étrange que cela puisse paraître, sa gaieté découlait de cet abandon. Elle invitait ses filles et ses fils à sourire sans cesse pour faire connaître Jésus auprès de leur prochain, quels que soient leur état physique ou mental, leur croyance ou leur origine. Elle se considérait comme une intermédiaire, une sorte de “tuyau” (selon ses propres mots !) pour laisser passer le flot immense d’amour de Jésus pour les hommes.

Sa foi et sa confiance inébranlable dans l’amour du Christ expliquent à quel point elle a pu s’abaisser pour élever les âmes vers Jésus. Et pour faire vivre sa communauté et ses petits protégés, mourants, enfants, intouchables, handicapés, elle n’a pas supplié inlassablement les plus grands de ce monde. Mère Teresa s’en est remise avant tout directement à la Providence à chaque instant, comme nous le montre le père Maasburg dans ses Fioretti. Chaque voyage était l’occasion de prier, afin de toucher le Seigneur et de recevoir les grâces qu’Il jugeait bon de lui donner. Ainsi, elle a pu devenir “la voix de ceux qui n’ont pas de voix” au milieu d’un univers politico-entrepreneurial déshumanisé.

 

Avec la mère de Dieu

La voilà s’envolant encore pour le Nicaragua, à la rencontre des guérilleros, avec pour seule arme son chapelet et ses médailles miraculeuses bénies. Pour une autre destination, elle emmènera la statue de la Sainte Vierge qui ne la quitte jamais, afin qu’elle voie de ses yeux tous les pays du monde. Voilà un autre secret de mère Teresa, sa relation toute filiale avec la sainte Mère de Dieu.

Compagne de vie, guide dans les moments de lutte et de désespoir, notre Mère du Ciel a véritablement entendu et protégé la sainte femme. Le chapelet était sa force supplémentaire, serré sans cesse entre ses doigts menus, prononcé dans un murmure paisible et confiant. Lorsque tout n’était pas déposé entre les mains du Christ, le reste était remis à la Femme toute pure qui avait offert son “oui” pour notre salut.


Mère Teresa n’a pas seulement marqué ses contemporains par ses actions humanitaires et ses œuvres de paix, mais bien par ce désir ardent de donner l’Amour de Jésus, en qui elle puisait toute force et toute grâce. Malgré les épreuves traversées dans sa vie, elle nous a donné une leçon d’humilité incroyable. Par son exemple, nous entendons désormais le sens de la souffrance humaine, rejoignant le mystère de la Croix pour notre salut, et la nécessité d’accueillir le Christ dans toute personne.

Elle aussi, comme sa sainte patronne, nous demande de tout offrir par amour pour Jésus, que ce soient de grands sacrifices ou de petits riens, tant que nous acceptons de nous dépouiller du superflu, de nos soucis ou de nos impatiences pour aller à la rencontre du Christ et le porter à ceux qui en ont soif. Alors, pourquoi ne pas commencer, comme elle le disait elle-même, par se soucier de ceux qui nous entourent, proches ou collègues, voisins ou passants, dans notre société en quête de sens ?


“ La famille est un instrument de choix dans la main de Dieu; car c’est d’abord par l’intermédiaire de la famille que Dieu veut nous dire que nous avons été créés pour “plus”, c’est-à-dire pour aimer et être aimés.”


Sainte Teresa de Calcutta, priez pour nous

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