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Photo du rédacteurLise D

Mourir d'amour

Et si, en ce jour de la Saint Valentin, nous décidions de faire de notre carême, qui commence mercredi, une épopée romanesque ? Oui, rien que ça ! N'avons-nous pas toutes été un jour séduites par ces histoires tragiques mais si intenses où les héros semblaient s'aimer plus que tout, jusqu'à en mourir ?


Mourir d'amour, comme Roméo et Juliette, Tristan et Iseut, la Princesse de Clèves, Jack dans les eaux glacées de l’Atlantique nord, ou encore Cyrano... Ces histoires ne sont-elles réservées qu'aux héros de fiction ? Là où l'amour semblait se manifester dans la passion, le sacrifice et la profondeur, nous sommes-nous habitués au confort, à la routine, aux petites disputes...? Je ne peux me résoudre à y croire et si parfois le quotidien semble être un peu dénué d'absolu, c'est que je dois manquer d'ambition et d'audace ! Mais, en ce jour et à l'approche du Carême, je me suis dit que cette dernière ne demandait sans doute qu'à être réveillée, et qu'il fallait commencer par se souvenir que nous sommes depuis les premières secondes de notre vie et de toute éternité, les héros de la plus belle histoire d'amour : car, oui, le Christ nous a aimé jusqu'à la mort, par le plus grand, le plus beau et le plus profond des amours !



En attendant la Saint Valentin Céleste


Puis, une fois cette conviction chevillée au cœur et en attendant la Saint Valentin céleste, pourquoi ne pas faire de cette journée l'occasion rêvée pour montrer à la personne aimée que nous sommes prêts à mourir pour elle ?


Entre deux périodes, l'hiver et le printemps, le temps de Noël et celui de la Résurrection, il est peut-être possible de trouver le lien entre cette fête de la Saint Valentin souvent outrancièrement commerciale et le dénuement du mercredi des cendres, où nous nous présentons devant l’Époux non pas les lèvres fardées mais le front souillé... Quel pourrait être ce rapport alors ?


Remettre l'amour au cœur de nos vies. En faire le point de départ de notre renoncement au fatalisme, à la lassitude, à la nostalgie, et inviter dans nos cœurs la joie d'aimer, l'enthousiasme amoureux, et la soif du don sans retour! Mourir d'amour, cela peut signifier se consumer, faire « toute chose nouvelle » (Apocalypse, chap. 21, v.5), faire partir en fumée le superflu et l'orgueil, sans pour autant se planter un poignard dans le cœur, en proclamant tragiquement que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue sans amour... Cette Saint Valentin peut nous aider à remettre notre couple au cœur de nos priorités pour entrer dans le carême avec le désir renouvelé d'aimer notre prochain - notre tout proche - : notre mari, notre fiancé, notre amoureux.



Pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime


Alors que veut dire « mourir d'amour » si ce n'est pas au sens propre ? Comment pouvons nous mourir d'amour ? Peut-être par l’héroïsme de chaque jour, celui qui se donne « peu à peu, miette à miette, goutte à goutte et cœur à cœur » dirait Goldman. Madeleine Delbrêl appelle "la passion des patiences" la somme de toutes les petites choses que souvent nous "laissons passer avec mépris, attendant pour donner notre vie une occasion qui en vaille la peine" (La joie de croire) alors que c'est là que Dieu nous attend. Ravaler le petit reproche (pourtant très justifié!!!) sur la manière dont la vaisselle a été faite en se concentrant sur le remerciement pour le service rendu. Se lever en pleine nuit pour consoler l'enfant qui pleure alors qu'on aurait très envie de donner un bon gros coup de coude à l'autre qui semble ne rien entendre. Laisser à la personne aimée son espace de détente à son retour du travail alors qu'on aimerait tellement se décharger de la litanie de plaintes qu'on avait préparée tout au long de cette journée difficile, se creuser la tête pour trouver une attention à lui faire... Et bien sûr, tout cela souvent sans que l'autre sans rende compte... Oups, c'est si dur sur le coup, si crucifiant, mais c'est comme nettoyer une blessure, cela fait mal... mais cela purifie !

« Aime et fais ce que tu veux. Si tu te tais, tais-toi par Amour, si tu parles, parle par Amour, si tu corriges, corrige par Amour, si tu pardonnes, pardonne par Amour. Aie au fond du cœur la racine de l'Amour, de cette racine en peut naître que le Bien. » (Saint Augustin, Commentaire de la 1ère épître de Saint Jean VII,8)

En cette période où l'on préconise sans cesse de « prendre soin de soi », il n'est pas vraiment à la mode de « mourir à soi-même », et pourtant il semblerait que cela soit la condition du grand amour. Les vies des saints en témoignent, sans exception. Il ne s'agit évidemment pas de se mépriser, de se malmener, de se nier, mais de savoir, parfois et souvent, s'oublier pour réellement rejoindre l'autre. Le dépouillement du Carême demandé par l’Église peut ainsi se vivre à deux :

« Regarde mon cher époux, l'hiver est là, partout. Donc nous aussi, nous devons nous dépouiller un peu. Il nous faut laisser ce qui appartient au passé, ce qui finit par devenir un obstacle sur le chemin de la vie dans la grâce. Pour nous, pour notre couple. Il nous faut abandonner les emportements de nos jeunes années, nos préjugés jamais remis en cause, nos jugements sévères de ceux qui pensent autrement que nous, l'hypocrisie, l'attitude hautaine du pharisien qui se croit meilleur que les autres, l'endormissement et l'étroitesse d'esprit. Que tout cela tombe comme les feuilles sèches, comme la broussaille fanée. Que la nouvelle vie puisse pousser avec toute sa force, la vie en Dieu. » (Les yeux fixés sur le ciel, Teresa Domochowska, p.61, dont nous avions parlé ici)


Décloisonner son cœur


L'amour terrestre peut être le canal de l'amour divin. L'un peut servir l'autre et l'autre est indispensable à l'un. Il n'y a pas d'un côté ma vie spirituelle et, de l'autre, ma vie amoureuse:

« Mon bien-aimé ! Je voudrais tant que mon amour terrestre nourrisse aussi ton âme, cette âme liée à moi pour l'éternité ! Le Christ veille sur nous. (…) Viens mon chéri, qu'avec nos baisers le souffle de la grâce passe par nos corps et nos âmes. » (Les yeux fixés sur le ciel, Teresa Domochowska, p.82)

Dans son livre Aimer en actes et en vérité, le Père d'Heilly insiste sur ce point. La vie conjugale n'est pas une voie de sainteté par défaut, où je devrais séparer ma vie en plusieurs parties : « Une femme, malgré la fatigue de la journée, fait un effort considérable sur elle-même pour bien accueillir son mari. Que fait-elle ? Elle fait un acte d'amour conjugal, puisqu'elle accueille son mari comme il a besoin d'être accueilli ; et en même temps elle fait un acte d'amour pour Dieu. (…) En même temps, dans un même geste d'accueil, c'est l'amour de Dieu et l'amour de son mari qu'elle construit. Même contrairement à ce que croirait le peuple chrétien, il ne lui est pas nécessaire de loucher, c'est-à-dire d'avoir un œil sur son mari et un œil sur Dieu : il faut qu'elle soit toute entière à ce qu'elle doit faire. »


Et cela des deux côtés bien sûr : « Ma femme a besoin de tendresse ? C'est Dieu qui m'appelle à cet effort sur moi-même pour sortir de moi et partager la tendresse avec ma femme. » Je n'ai pas à m'écarteler entre Dieu et celui que j'aime :

« Approcher Dieu est nécessaire pour mieux approcher mon conjoint, et approcher mon conjoint est nécessaire pour mieux approcher Dieu. »

« L'amour du chrétien marié est constitué de trois éléments indissociables : l'amour de Dieu, l'amour du conjoint, l'amour du prochain. Si l'un des éléments vient à perdre de sa vigueur, automatiquement les deux autres se condamnent à la longue à la médiocrité. »

Mourir d'amour ensemble pour Dieu, l'un pour l'autre et tous les deux pour les autres.

Alors aujourd'hui, je nous proposerais bien de dépasser Cupidon et ses flèches et de s'armer de romantisme, d’héroïsme et de tendresse, pour embrasser notre carême à deux, car l'Amour nous attend :


« Vous avez dit utopie ? Qui sait... ? Ce qui est sûr, c'est que l'amour, le vrai, l'enivrant, le fort, l'éclatant, l'absolu, l'irrésistible et l'immuable, vous désire depuis la nuit des temps, vous espionne à tous les âges et sur tous les fronts, vous guette chaque seconde, et surtout, vous espère, vous attend et vous veut, pour qu'un brin d'éternité descende en votre temps ». (L'amour, une affaire sacrée, une sacrée affaire, Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine)

Belle Saint Valentin et bon courage pour ce Carême qui arrive !


Je vous recommande le livre de Raphaëlle Simon, "Couples de feu et de foi", qui propose de découvrir 7 histoires d'amour et de sainteté, tendres, passionnées et édifiantes. Je ne peux que vous conseiller également le parcours Syld, qu'Agnès nous a fait découvrir dans un précèdent article, ici. Et pour les couples mariés, pourquoi ne pas relire aujourd'hui notre déclaration d'intention et faire de cette missive la feuille de route de notre Carême ?

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