Un jour, ils se sont donné le sacrement du mariage à l’Église, échangeant leurs consentements.
« Moi, N., je te reçois comme époux et je serai ton épouse. Je te promets de t’aimer fidèlement dans le bonheur et dans les épreuves tout au long de notre vie. »
Dans le sacrement du mariage, l’homme et la femme s'unissent ; Dieu leur donne la grâce nécessaire, Dieu s’engage avec eux. L’époux et l’épouse peuvent puiser en Dieu la force de vivre cet amour fidèle.
En quittant le célibat, ils ont trouvé chacun un nouveau rythme. Ils ont répondu à l’appel à s’ajuster : dans la vie quotidienne du couple, l’homme et la femme se font l’un à l’autre, au gré de leur tempérament, au gré des circonstances de la vie aussi. Ils veillent l’un sur l’autre aussi.
Aujourd’hui, de nombreux métiers appellent les travailleurs à des déplacements professionnels plus ou moins longs. Comment vivre le sacrement du mariage au gré de ces séparations ? Chacun est alors invité à s’ajuster de nouveau.
Voici les témoignages de quelques-unes de ces femmes qui vivent l’absence du prince à la maison, leurs peines, leurs petits « trucs », leurs joies aussi ! – dans certaines situations, la femme s’éloigne et l’homme reste, mais aujourd’hui, j’ai interrogé des femmes.
Nous sommes mariés depuis 3 ans et demi. Nous avons un enfant. Mon mari part une fois par an pendant 2 ou 3 mois.
Nous ne communiquons pas beaucoup lors de ses déplacements donc nous avons pris l’habitude de nous écrire des lettres avant son départ. Nous les regroupons dans un carnet que nous laissons l’un à l’autre. Les lettres sont datées et à lire le jour J. Lorsque je raconte cela, les personnes me demandent à juste titre ce que nous pouvons bien nous écrire en avance.
Ces carnets sont d’abord l’occasion d’écrire notre action de grâce pour l’autre, de le remercier pour tous les langages d’amour avec lesquels il nous parle au quotidien, de lui redire notre amour. Ainsi les souvenirs de moments de qualité, de cadeaux échangés, etc., permettent de prendre du recul sur notre vie et de rendre grâce.
Ensuite, nous partageons des réflexions spirituelles personnelles, des conseils pour mieux vivre l’absence de l’autre en s’abandonnant à Dieu. J’aime particulièrement relier mes réflexions avec le saint du jour ou une fête religieuse. Cela peut aider mon mari à rester uni à la vie de l’Église malgré la distance.
D’une certaine manière ce dialogue amoureux nous fait revivre le temps des fiançailles. Il nous permet de vivre cette séparation dans une certaine joie au lieu d’être dans la tristesse et la plainte.
Nous sommes mariés depuis deux ans. Nous avons un enfant et attendons un autre petit bébé. Mon mari part régulièrement dans l’année, pour des périodes qui vont de quelques jours à un mois et demi.
Avant nos fiançailles, celui qui n’était qu’un ami m’a dit : « Tu sais, je pars souvent, parfois sans pouvoir communiquer, et les dates de départ comme de retour peuvent être modifiées à tout moment. » Donc, je savais, avant de m’engager. Mais c’est une chose de le savoir, intellectuellement ; c’en est une autre de le vivre !
Ces périodes sont parfois éprouvantes, et un décalage s’installe dans ce que nous vivons. Notamment la fois où quand il est parti nous attendions un petit bébé ; quelques jours après son départ, j’ai perdu ce petit bébé d’une fausse couche précoce. Quand mon mari est venu, un mois et demi plus tard, me retrouver trois jours entre deux déplacements, j’ai eu peur du décalage : lui si loin, moi si seule. Mais je pense aussi qu’il y a une grâce d’état qui est donnée. Et ces trois jours ont été une éternité de jours-cadeaux !
Je ne saurais pas définir ce qu’est la grâce d’état. Je pense que, simplement, vues de l’extérieur, certaines situations sont dures, éprouvantes ; mais en réalité, lorsque nous les vivons, nous recevons une force qui nous donne de les vivre. C’est ce que je ressens dans ces séparations. Et je travaille à préserver une certaine atmosphère en moi et autour de moi, pour accueillir cette grâce, ne pas la laisser s’étouffer sous les inquiétudes ou la dispersion.
Quand il est présent, mon mari veille un peu à préserver une certaine paix dans notre foyer. Alors, quand mon mari part, je garde mon jardin : je me garde. J’évite les situations compliquées, les lectures qui pourraient me faire broyer du noir, même les rencontres de personnes qui me mettent dans une atmosphère négative. J’ai entendu un jour : « L’ordre de charité, c’est de penser d’abord à toi, puis à ton couple, puis à tes enfants, puis aux autres ». Alors je pratique cet ordre, et je prends soin de moi… Cela va de préserver mon état d’esprit jusqu’à me cuisiner de bons petits plats, même si je dîne seule ! Car en effet, ma paix intérieure rejaillit ensuite sur mon entourage !
Nous nous rejoignons dans la prière quotidienne, notamment celle que nous avons l’habitude de dire ensemble. C’est un moyen d’être unis malgré la distance et le décalage.
De ces absences, je reçois une vraie joie : celle des retrouvailles. Car dès les premiers jours, une question s’impose à moi : « Tu t’es mariée avec lui ; le mode de vie n’est pas forcément facile à vivre ; mais alors, pourquoi lui ? » Et alors, toutes les qualités de mon mari (re)surgissent devant mes yeux ! Et je sais vraiment pourquoi je l’ai épousé ; les petits désagréments de ce mode de vie trouvent alors une place minime. Finalement, le temps d’absence se passe plus ou moins vite ; j’apprends à y goûter l’instant, et à savourer les qualités de mon mari. Cela nourrit mon désir de le retrouver, lui. La distance me fait prendre du recul sur notre vocation dans le mariage. Et la joie envahit mon cœur !
Mon mari et moi sommes mariés depuis 10 ans et nous avons 5 enfants de 8 ans à 3 mois. Mon mari part régulièrement pour des périodes de 2 à 4 mois avec une difficulté supplémentaire : nous ne pouvons alors que rarement communiquer.
Ces périodes sans nouvelles nous obligent à nous abandonner complètement au Seigneur. La prière est un lien très fort qui nous unit, notamment grâce à la prière de couple que nous avons écrite au début de notre mariage. Nous la récitons chaque jour l'un et l'autre. Sur sa demande, les enfants récitent aussi matin et soir la même prière à l'ange gardien que lui-même à son lever et à son coucher ; cela les relie et c'est aussi un peu un passage de relais : il ne peut plus veiller sur sa famille et ne peut plus rien maîtriser la concernant, il demande en quelque sorte au Ciel de suppléer. Les dimanches, je vis l'Eucharistie de façon particulière en l'offrant tout particulièrement pour lui qui en est privé.
La prière est ce qui nous unit le plus dans ces moments et j'ai le sentiment de vivre réellement et concrètement la communion des saints, c'est-à-dire le soutien spirituel par la prière. Cela m'est d'un tel soutien que je me pose souvent la question de savoir comment les autres épouses qui n'ont pas la foi font pour tenir dans ces longues séparations ! Je remercie le Seigneur de cette grâce !
J’ai mis en place quelques petits trucs pour que ces séparations ne se passent pas trop mal au quotidien :
Lorsque mon mari est absent, j'essaie d’être plus organisée : le dîner toujours prêt avant d'aller chercher les enfants à l'école, je fais commencer la routine du soir (bain-dîner-dents-prière-histoire) dès 17h30 pour que l'ambiance soit plus sereine, j'essaie d'accepter plus simplement l'aide que l'on me propose, je me couche moi-même plus tôt...
Nous avons fêté nos noces d’émeraude cet été. Nous avons 7 enfants et le 9ème petit-enfant est né au mois d’août. Mon mari a choisi son métier pour les voyages, ce qui a occasionné beaucoup d’absences.
Toute jeune mariée, j’ai rendu visite à une épouse qui partageait ma solitude et j’ai vu son petit garçon de 2 ans taper une photo de son papa en disant « vilain papa ». Je fus choquée par cette scène et j’ai réalisé que le jeune enfant ressentait la souffrance de sa mère. Je me suis promis que cela ne se passerait pas ainsi chez nous, même s’il n’est pas toujours facile de vivre et d’accepter les absences. Les journées sont bien remplies avec des tout-petits, mais les soirées et les dimanches sont interminables ; j’ai alors découvert la couture…
Dans la maison, sur le réfrigérateur, sur notre petit oratoire, il y avait des photos de papa pendant son absence. J’ai décidé que Saint Joseph serait le patron de notre famille, et je suis convaincue qu’il a aidé mon mari à prendre les bonnes décisions à différents moments de sa vie sur le plan familial.
Après des longues séparations, j’ai souvent trouvé difficile de redonner sa place de père à mon mari. Je trouvais qu’il faisait tout de travers. Nous avons alors pris l’habitude à chacun de ses retours de nous retrouver lors d’un dîner tous les deux et de parler de chaque enfant.
De même, je crois qu’il est important, quand nous sommes fatiguées, et que les enfants sont difficiles, de ne pas avoir trop recours à « Tu verras quand papa sera là… » Car, quand il rentre, c’est la fête pour les enfants, et lui, est heureux de retrouver sa famille. Ne lui donnons pas cette casquette de père fouettard.
Nous sommes tous les deux éducateurs, et c’est bon de se reposer sur son conjoint. Nous devons aller dans le même sens. Même si certaines attitudes de notre conjoint nous paraissent inappropriées, ou dérangent notre sensibilité féminine, laissons le papa poser ses actes d’homme, l’enfant a besoin de cela pour se construire. Le papa, c’est l’autorité, mais c’est aussi le jeu.
Parfois, j’ai pu être amenée à prendre des décisions importantes sans lui, mais la confiance fait partie du sacrement du mariage et il m’était important de savoir que j’avais toute sa confiance, et qu’il me soutenait dans mes décisions.
Je crois que lorsqu’on a une ligne de conduite, il faut lui rester fidèle, notamment avec nos adolescents, qui savent nous harceler pour obtenir ce qu’ils veulent, et même nous déstabiliser avec leurs arguments. Je m'en remettais au Seigneur, qui m’a vraiment soutenue. Ma fille qui a eu 17 ans le jour de son bac, a voulu fêter les résultats en boîte de nuit avec tous ses camarades. 1ère réaction : pas question ! 2ème réaction : s’il y a un jour où je peux la laisser y aller, c’est ce jour-là, il n’y aura que des lycéens avec elle. J’ai dit « OK, permission de minuit ». A minuit, je suis allée la chercher. Il y avait tellement de monde, qu’elle était dans la queue pour entrer et n’a vu de la boîte de nuit que la porte. Elle avait passé une bonne soirée avec ses amies, et n’était pas entrée dans la boîte de nuit. Merci mon Dieu !
Nous sommes mariés depuis 7 ans. Nous avons 4 enfants de 6 ans à 1 an. Mon mari part souvent pour des durées irrégulières de quelques jours à 3 ou 4 mois.
Pendant les absences, mon mari n’est pas forcément joignable. Le plus dur pour moi, est ce que j’appelle la « charge psychologique », quelle que soit la durée de l’absence. En gros tout repose sur mes petites épaules. Et nous savons tout ce qui peut se passer en 48h ou quelques semaines… Les décisions, grandes ou petites, c’est pour moi. Le référent des enfants, c’est moi. Et pas d’adulte le soir pour me décharger un peu. Ce qui est magnifique derrière cette charge ? La confiance totale et absolue de mon mari. Il part en me laissant les rênes, et en fermant la porte, il accepte qu’à son retour il puisse y avoir des changements, des choses que lui n’aurait pas choisies, ou pas faites de cette façon (par exemple un simple cadre accroché au mur, ou l’organisation des vacances d’été…). Je sais qu’il respectera tout ce que j’ai fait quand il n’était pas là, puisqu’étant marié, c’est également lui qui a agi ainsi à travers moi.
Une des clés pour moi : surprise, la communication ! Avant les départs, et au retour. Cette communication s’entretient grâce à la plus grosse connexion que nous ayons pendant ses déplacements : la prière. Nous savons que même éloignés physiquement, nous nous y retrouvons. A défaut de prier ensemble physiquement, nous prions plus spécialement l’un pour l’autre. Il connaît l’heure de la prière en famille, et s’y joint spirituellement. La communion des saints fonctionne aussi horizontalement, entre les membres de l’Église militante : usons et abusons de ce trésor, qui rend perceptible la présence de l’autre et est un réel réconfort !
Merci à chacune pour ces bribes de vie offertes !
Merci @palomadessine pour les illustrations !!
Allez voir sa page instagram : palomadessine !
Et vous, lecteurs, avez-vous des petits "trucs" à partager pour témoigner de la vie de votre foyer, lorsque votre conjoint est en déplacement ? Partagez en commentaire !
J'avais un ami dont le père voyageait souvent. Finalement, son père a abandonné ses missions à l'étranger, car sa souffrance était trop grande, de ne plus être auprès de son épouse et son fils.
Merci beaucoup pour cet article, et bon courage à toutes les femmes concernées !