Il y a des êtres adorables sur terre. La mère d’A. en est une. Lorsque mon fiancé me l’a présentée, tout émue de me voir, elle s’est exclamée : « J’ai tant prié pour que tu trouves ta Rebecca ! » Et moi, assez ignare en Genèse, je me demandais bien qui était cette Rebecca. Être comparée à une illustre inconnue ne me flattait pas plus que cela. Maintenant je réalise que je ne t’arrive peut-être pas à la cheville, Rebecca. Mais que tu peux m’aider à progresser humainement et spirituellement.
À ton école je peux grandir en charité, en persévérance, en discernement et en abandon.
Petite nièce d’Abram que tu ne connais pas puisqu’il est parti fonder sa famille en Terre Promise par Dieu, tu es élevée dans le clan grand-paternel, au pays d’Aram avec tes sept oncles, tes grands-parents, tes cousins et cousines. Ton père, Bethouël est le dernier des huit garçons de Milka et Nahor, tu dois a priori être parmi les plus jeunes de cette grande famille. Je t’imagine jeune fille joyeuse et dynamique, qui a appris les tâches ménagères (comme aller chercher de l’eau au puits) et le sens de l’autre dans cette tribu familiale où l’on n’est pas à une bouche près à nourrir. Tu es belle, très belle même. Tu as vu tes cousines se marier, avec un cousin ou un voisin et tu les côtoies actuellement, jeunes femmes et mères, restées dans la parentèle. Tu dois rêver à ton tour de l’homme que tu aimeras et qui te permettra de t’épanouir comme épouse, mère et maitresse d’un foyer. Quelle joie se doit être de vivre sa vie de femme sans trop s’éloigner du cocon de l’enfance ! Oui, je crois que tu rêves parfois à cette vie qui t’attend, lorsque tu vas au puits avec tes comparses.
Ce jour-là tu y croises un inconnu. Pas un étranger : il parle ta langue et connait tes coutumes. C’est un homme de ton peuple que tu n’as jamais vu. Un voyageur, qui vient au puits avec dix merveilleux chameaux !
Ta curiosité est-elle un peu piquée, une soif d’aventure se réveille-t-elle ? Sans doute as-tu envie de le questionner, de savoir d’où il vient, depuis quand il marche et comment est le pays où il habite. Mais tu gardes pour toi tes questions et continue ton service d’eau. Puis lorsque l’homme te demande à boire tu lui tends volontiers ta cruche pleine. Apprends-moi le service gratuit, désintéressé.
Puis tu jettes un coup d’œil aux dix chameaux. Ils sont soif eux aussi. Comme ils doivent venir de loin pour n’avoir plus de réserve ! Comme est loin leur pays ! Il faudrait que toutes les jeunes filles de la ville s’unissent pour puiser assez d’eau pour ces animaux. Généreuse, audacieuse, peut-être un peu naïve, tu décides de les abreuver tous les dix. Apprends-moi à me donner sans compter ! Apprends-moi à me mettre vaillamment à la tâche, surtout lorsqu’elle me semble longue et lourde et que je me sais fatiguée et faible.
L’homme t’offre des bracelets et des anneaux, il bénit le Seigneur de t’avoir trouvée et d’être dans la famille de son maître. Ta tête doit joliment tourner, pauvre Rebecca. Comprends-tu ce qui arrive ? Tu cours le raconter à ta mère et ton frère t’accompagne d’un bon pas pour accueillir dignement ce voyageur, comme on accueillerait l’oncle Abram lui-même.
L’homme explique le but de son voyage et tu écoutes avec tes parents et ton frère. Tu comprends que le vieil oncle Abram, devenu Abraham, est à présent riche et béni de Dieu par son fils Isaac, tu comprends qu’Isaac est à marier. Tu entends que, d’après le serviteur, tu es désignée par le Seigneur pour être l’épouse d’Isaac. Que se passe-t-il au fond de toi ? Probablement un beau fouillis ! Ton vœu était d’épouser un homme de ton peuple mais tu n’avais probablement pas pensé à l’exilé que tu n’avais jamais vu, né au pays de Cana, très loin de chez toi. Voilà que ton vœu peut se réaliser, que tu vas pouvoir fonder ta famille, mener ton foyer. Mais loin, si loin de chez toi… Ton père et ton frère acceptent ce mariage. Te voilà peut-être sur un nuage.
Le lendemain matin, la descente du nuage est rude : le départ sonne. Le serviteur d’Abraham est pressé de t’emmener. C’est difficile pour ta famille qui voudrait bien te garder encore. Probablement dur pour ta mère qui aimerait te préparer, te transmettre des conseils. On demande un sursis d’une dizaine de jours. « Ne me retardez pas. Le Seigneur a fait réussir mon voyage. Laissez-moi retourner et j’irai chez mon maître » répond l’homme. Comment insister encore lorsqu’on met Dieu dans le coup ? Allons, c’est Rebecca qui aura le dernier mot puisqu’il s’agit d’elle. Quel cadeau et quelle responsabilité t’offre ton père ! Libre de choisir ton délai ! Libre aussi d’obéir au Seigneur ou de négocier avec sa volonté. « Oui, je partirai », dis-tu et tu te prépares aussitôt. Ta nourrice et tes servantes montent avec toi sur les chameaux. Quand je veux négocier avec Dieu, avec ma conscience, donne-moi cette capacité à dire un oui ferme et entier !
Lorsque tu rencontres Isaac au bord d’un puits dans le Néguev, c’est un coup de foudre, tu sautes à bas de ton chameau. Quel allant face à l’inconnu, quelle belle spontanéité ! Ta rencontre avec l’époux est une vraie récompense, une grande joie pour vous deux.
Serviable, généreuse, confiante, spontanée, vive : ah oui, je veux bien te ressembler, Rebecca ! Heureux sera mon mari si je cultive de telles qualités !
Seulement l’histoire ne s’arrête pas là. Savait-elle, la mère d’A. qui souhaitait à mon mari de trouver sa Rebecca que la pauvre araméenne aurait des difficultés à concevoir et que ses jumeaux, Ésaü et Jacob se disputeraient leur droit d’aînesse ? Quel déchirement dans un cœur de mère !
Savait-elle qu’Isaac, par peur d’être jalousé et tué, cacha son mariage aux Philistins ? Quelle humiliation !
Savait-elle que Basmate et Judith, les premières femmes de son fils Ésaü, seraient de mauvaises brus ? Savait-elle qu’à cause d’elles, Rebecca remettrait en cause l’intérêt de vivre ?
Savait-elle que Rebecca aurait à ticher et à se sacrifier pour mettre en valeur Jacob, le moins aimé des deux enfants, afin qu’il reçoive la bénédiction d’Isaac ?
Rebecca, après ton coup de foudre, tu as connu l’attente, la tristesse, l’humiliation, l’amertume, le don de toi. Apprends-moi à m’appuyer sur l’amour du Seigneur et de mon mari pour affronter sereinement les difficultés inhérentes à la vie de famille.
Peut-être qu’elle savait tout cela, cette sainte femme qui priait pour que la Rebecca de mon mari arrive. En ce cas elle savait aussi que Jacob, fils de Rebecca, à son tour cultiverait ses qualités, ferait boire le bétail de sa jeune cousine auprès d’un puits. Elle savait aussi comme Ésaü accueille son frère à bras ouverts après vingt ans d’éloignement. Ah, Rebecca, quand tout semble aller mal, permets-moi de contempler les quelques fruits de ma vie, donne-moi une espérance sans faille !
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