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Photo du rédacteurAgnès T

Si j'avais su... (âmes sensibles, s'abstenir)


Un barbecue entre amis. Etrangement, les hommes entourent ledit barbecue, (c’est important d’être plusieurs, vous savez, pour protéger les saucisses), et les femmes – tiens, tiens – se retrouvent dans les transats, à siroter un apéro. Les enfants courent un peu partout, presque ivres de cette joie printanière, les mains pleines de chips, la bouche recouverte de houmous à la betterave. Et là, je ris en prenant un peu de distance. Naturellement, nous nous sommes retrouvées entre femmes. Naturellement, les hommes se sont regroupés entre eux.


Cinq minutes.


C’est le temps qu’il nous aura fallu pour parler d’accouchement. Nous avons beau ne pas nous connaître depuis longtemps, ce patrimoine commun fait irruption dans notre conversation aussi naturellement que le soleil se lève.


Césarienne, déchirure, péridurale, position d’accouchement, intervention gynécologique, saignements, révision utérine, tout y passe. Et pourquoi ?


Parce que ces conversations nous guérissent. Nous ne vivons pas les mêmes choses de la même manière. Pourtant, presque toutes, nous sommes marquées par certains actes posés. Des actes parfois traumatisants. En parler, en rire, nous permet de soigner ce qui a été dur, douloureux ou dégradant. Bien sûr, nous avons des maris qui nous écoutent. Nous suivons peut-être une thérapie. Mais un café entre copines est la meilleure thérapie pour ces sujets, parce que nous nous sentons rejointes.


Parce que c’est si fort d’accoucher qu’on ne peut pas se taire ! Certes, le processus de la grossesse et de l’accouchement sont « normaux », la nature nous a dotées d’un utérus, nous avons tout ce qu’il faut pour faire grandir un bébé en nous et le mettre au monde. Mais attention, naturel ne veut pas dire facile, évident et sans dommages collatéraux (pour rester polie).


Parce qu’aujourd’hui, on n’a pas le temps de s’arrêter sur ce genre d’événement. Je ne parle pas de la naissance d’un bébé, ça, on sait faire : cadeaux en pagaille, jolis faire-part, baptême en grande pompe… On les aime, ces petits bouts de nous tout roses, tout doux, qui sentent si bon. Le corps de la mère, en revanche, on l’aime moins. Il nous rappelle notre fragilité, nos blessures. On ne le regarde pas trop. On le met en sourdine pour ne pas l’entendre. On tente de calfeutrer ses petits défauts, de le garder lisse. Les vergetures, la poitrine qui tombe, les premières rides ? La société n’en veut pas. La société veut des sourires, des accouchements qui ne font pas de bruit, des tailles 36 et des femmes au boulot après deux mois de post-partum.



Pourtant, pendant plusieurs mois, pendant l’accouchement, et même après, nous sommes manipulées, touchées, palpées, dans notre intimité la plus profonde, parfois sans notre consentement, de manière automatique, et ce n’est pas normal. La plupart du temps, nous le subissons, parce que « c’est comme ça ».


Beaucoup de femmes, après leur premier accouchement, sont frappées des difficultés qu’elles rencontrent. Elles en veulent un peu à leur entourage de ne pas avoir été prévenues. Moi-même, j’ai nourri une certaine forme de rancœur, quand, après trois semaines de post-partum, je marchais toujours comme une mamie, je m’asseyais difficilement tant mes points me piquaient, et je ne pouvais pas rester debout plus de cinq minutes.


Aurais-je vraiment aimé savoir ? Aurais-je entendu ce qu’on aurait pu me dire ? Si, au détour d’une conversation, une amie m’avait regardé droit dans les yeux en me disant : « Agnès, tu vas peut-être avoir le vagin tout déchiré et tout recousu, ça durera super longtemps, ça te fera mal et tu n’aurais plus envie d’avoir d’autres enfants », je serais probablement partie en courant. J’aurais refusé d’accoucher.


Le voile de mystère qui entoure l’accouchement est-il bon ?

Probablement que oui. Oui, dans la mesure où la jeune maman peut trouver les informations dont elle a besoin quelque part. Bien entendu, si elle veut savoir, elle peut.


Mystère ? Oui. Tabou ? Non !


On ne peut pas imaginer ce que nous allons vivre. On ne peut pas prévoir comment cela se passera. On ne peut pas anticiper nos éventuels problèmes, nos éventuelles difficultés. Ce que l’on peut faire, c’est se former, se renseigner, s’apaiser sur ce qui nous fait peur. Depuis des milliers d’années, les femmes enfantent, et ce n’est pas demain que cela s’arrêtera.


Pardon à celles que je choque. Le traumatisme vécu pour mon premier accouchement était supplanté par mon bonheur devant le fruit magnifique de notre amour, bien sûr. Je me suis relevée, petit à petit, avec de l’aide, et j’ai même accueilli un autre enfant, puis un autre… Comme pour faire un pied-de-nez à cette médecine qui croit avoir tout pouvoir sur moi ! Comme pour dire : oui, c’est dur, mais je peux le faire !


Je pensais, d’une fois sur l’autre, oublier. Je pensais aimer tellement les enfants que j’aurais envie d’en avoir d’autres… Pourtant, non. Ce n’est pas cela qui m’a fait revivre l’aventure. C’est l’amour fou pour mon mari, mon homme, le père de mes enfants. C’est la folie de notre union sacrée qui a porté du fruit, de nouveau. La saison de l’amour que je traverse avec lui était alors celle de la fécondité dans l’agrandissement de notre famille. D’autres saisons viendront, d’autres fécondités. En attendant, nous sommes ouverts à la vie, oui, mais à la vie de nos enfants déjà là. Ils ont besoin de nous, de notre amour, de notre disponibilité, et de notre responsabilité. Ils ont des personnalités à faire grandir, des talents à faire fructifier, des corps à soigner, et... nous aussi !


« La vie est confiée à l’homme comme un trésor à ne pas dilapider, comme un talent à faire fructifier. L’homme doit en rendre compte à son Seigneur. »
Jean-Paul II, Lettre encyclique Evangelium Vitae

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