Le masculin l'emporte sur le féminin. Réflexion à propos de l'écriture dite "inclusive".
« Le masculin l’emporte sur le féminin. » avait écrit ma maîtresse sur le tableau noir. En reposant sa craie, elle avait ajouté que cela valait tout autant lorsqu’il n’y avait qu’un homme pour plusieurs femmes dans le groupe.
Sur les bancs de l’école, je me souviens avoir accueilli cette règle comme une évidence mais j’ai appris récemment que d’autres l'avaient reçue comme une injustice.
Même adolescente, alors que mes interventions à table faisaient l’objet de quelques débats et que mes frères me taxaient de « féministe » ou de « Ségolène », en référence à Madame Royal dont la participation au débat présidentiel ne semblait pas les avoir convaincus, je ne crois pas avoir pensé une seule fois que combattre cette règle de grammaire puisse faire avancer la cause des femmes.
En effet, loin de me paraître injuste à l’égard des femmes, celle-ci m’apparaît profondément vraie ; et finalement très logique. En primaire, je l’avais déjà expérimentée. Physiquement, pour que le féminin l’emporte sur le masculin dans ma fratrie, il fallait que je mette en place toute une stratégie. Un sourire, un semblant de douceur en attrapant les épaules de l’adversaire qui pensait alors que j’allais lui faire la bise en guise de réconciliation, et, la proie saisie, je pouvais alors faire un croche-patte latéral, et le petit homme se retrouvait automatiquement sur les fesses. Ceci dit, il fallait que ce dernier fasse au minimum une tête de moins que moi pour que je puisse espérer sortir vainqueur de la bataille. Depuis, je sais pertinemment que le masculin l’emporte sur le féminin. La règle grammaticale m’apparaît comme la transcription fidèle d’une réalité de terrain.
Alors oui, quand je vois des écrits qui adoptent l’écriture soit disant « inclusive », j’ai mal aux yeux. A chaque point rencontré entre une terminaison masculine et une terminaison féminine, mon poing aimerait bien partir dans la figure de l’auteur. J’ai essayé de comprendre d’où pouvait venir mon intransigeance, ce manque de douceur finalement si peu féminin dans ce premier mouvement intérieur. Comment se fait-il qu’un signe de ponctuation puisse engendrer une telle réaction ?
La lecture de la déclaration de l’Académie française sur l'écriture dite « inclusive » m’a rassérénée. Je ne suis pas la seule à faire de cette affaire un drame. L’Académie ne mâche pas ces mots en affirmant que « devant cette aberration ‘‘inclusive’’, la langue française se trouve désormais en péril mortel ».
Ceux qui font la promotion de l’écriture inclusive répondent que l’Académie française est composée en majorité d’hommes pour ne pas entendre qu'elle « élève à l’unanimité une solennelle mise en garde ». Je pourrai leur dire qu’en tant que femme, j’y vois aussi un danger important, une norme qui s’impose non pour accompagner une évolution de la langue, mais par pure idéologie. Mais cela non plus ne serait pas entendu. On me répondrait sûrement que je suis formatée par un modèle patriarcal, soumise aux hommes sans même en avoir conscience. Difficile d’échanger avec des personnes qui condamnent vos propos pour le simple motif de ce que vous êtes.
Voilà pourquoi je ne m’attarderai pas à combattre cette écriture dont beaucoup ont déjà montré les limites. En revanche, permettez-moi de rendre hommage à ma langue maternelle qui comprend le féminin bien plus que ses détracteurs ne l’affirment.
« C’est la grâce des grâces qu’une femme discrète.»
Livre de Ben Sirac le Sage 26,15
En français, un masculin pluriel peut cacher bien des femmes. Qu’il est beau, ce pronom masculin pluriel qui, loin d’exclure, comprend la part féminine ! Notre langue a tout compris. Derrière l’action masculine, se cache bien souvent une femme. Le jeune homme hésite à sauter du plongeoir de six mètres jusqu’à ce qu’une jeune femme apparaisse dans son champ de vision et coupe court à toutes ses tergiversations. Le voilà dans l’eau ni une ni deux, tandis qu’un autre trouve la force de monter un étage plus haut que d’habitude. Ils ont sauté. Mais elle y est bien pour quelque chose. Alors pourquoi cacher la femme me direz-vous ?
Sans doute parce que la porter aux yeux de tous saperait bien souvent la part-même qui est la sienne dans nombre de réalisations humaines.
« Une femme criarde et bavarde est
comme la trompette au milieu des batailles.
Quiconque vit dans ces conditions passera sa vie
dans les fracas de la guerre. »
Livre de Ben Sirac le Sage 26,27
Reprenons l’exemple. Si la femme était arrivée au bord de la piscine en soulignant haut et fort qu’elle avait vu l’hésitation du jeune homme sur le plongeoir, il aurait peut-être sauté pour ne pas perdre complètement la face mais ils ne seraient pas montés à sa suite par peur d’être blessés dans leur virilité. La femme a un champ d’action aussi large que sa discrétion.
J’entends certains me reprocher de concevoir le féminin toujours au regard du masculin. Pourtant, dans la Genèse, l’un et l’autre apparaissent bien dans le vis-à-vis que Dieu a créé. Ils s’émerveillent l’un de l’autre jusqu’à ce que le péché originel fasse entrer dans le monde la méfiance. Il nous faut désormais demander la grâce de l’unité face aux œuvres de division. Il y a dans l’aigreur de certains combats une place mal comprise de l’homme et de la femme, qui ne se conçoit que dans un rapport de force là où le plan de Dieu nous invite à œuvrer ensemble de manière complémentaire.
Combien d’hommes ont pu se dépasser avec le précieux soutien d’une femme ? A l’inverse, combien d’hommes n’ont pas tenu leur place, moqués, rabaissés, contrôlés ? « Sentinelle de l’invisible », la femme porte le monde comme elle porte la vie. Délicatement. Cela ne se voit pas toujours mais ceux qui connaissent la joie dans l’intimité de leur foyer le savent bien : les amours sont si belles et les délices n’en sont que multipliées !
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