top of page
Photo du rédacteurIsabelle C.

Une réponse féminine au machisme

Une féminité assumée pour une virilité ajustée


Il rit grassement à sa propre blague. D’autres suivent. « Ah les gonzesses ! ». Un brin d’énervement chez moi. Il faut croire que je manque d’humour. A vrai dire, ce genre de blagues qui méprisent les femmes dans le vocabulaire qu’elles emploient comme dans les clichés qu’elles colportent ne me fait plus rire. Je regarde cet homme qui n’a pas fini de rire de sa bêtise et qui renchérit aussitôt sur une blague toute aussi sale que la première. Malgré son 1 mètre 90 et sa carrure bien bâtie, je ne trouve chez lui plus une once de virilité. Il a trente ans, mais j’ai l’impression de me trouver devant un adolescent.


Cadeau que m’ont fait mes six frères, je sais un peu à quoi ressemble l’adolescence masculine. Cette période étonnante, parfois détonante, où le jeune garçon cherche l’homme qu’il est appelé à être. La traversée de l’enfance à l’âge adulte le place dans une certaine vulnérabilité, qu’il s’efforce parfois de cacher derrière un masque de jeune homme insensible et dur. Il ne faut pas s’étonner, ni même s’effrayer, de voir l’ado se rassurer en prenant des allures de macho. Si ce dernier peut compter sur le soutien d’hommes solides – à commencer par son père, mais aussi ses oncles, chefs scouts, professeurs, etc. –, il accostera bientôt sur le rivage d’une masculinité assumée qui respecte et honore la féminité. Vous pouvez être sûr que, s’il arrive au bout de la traversée, il aura laissé dans la mer agitée sa « profonde peur intérieure d’un lien véritable avec l’autre » [1], et avec elle son masque de macho qui lui servait à ne pas perdre complètement la face. Depuis l’autre rive, il contemplera la femme comme ce trésor à chérir et à découvrir, qui sera pour lui une aide et un soutien bien plus qu’une menace.


Que faire néanmoins lorsque bon nombre d’hommes aujourd’hui peinent à effectuer la traversée, faute de père et de repères ?


Régulièrement, les médias donnent la parole à certaines femmes qui dénoncent une « société sexiste » et « machiste ». Si je n’approuve pas toujours les procédés qu’elles adoptent pour exprimer leur désaccords – se peinturlurer le corps de messages haineux par exemple – il serait bien malhonnête de ma part de balayer d’un revers de main les questions que soulèvent ces femmes qui se revendiquent « féministes ».


Selon l’Académie française, le machisme est une « attitude de supériorité méprisante qu’adoptent certains hommes vis-à-vis des femmes ». Force est de constater que le machisme existe bel et bien dans notre société, et peut-être d’autant plus aujourd’hui qu’hier. Je m’explique. Certes, les femmes ont obtenu le droit de vote, les publicités actuelles présentent hommes et femmes affairés tout sourire aux tâches ménagères et pas un discours politique n’oublie de mentionner au moins une fois l’égalité hommes-femmes. Derrière ce décor cependant, existe une réalité difficile peut-être à admettre : les violences faites aux femmes ne sont pas en baisse, et un nombre croissant d’éternels adolescents rabaissent la femme. Comment se fait-il que bien souvent l’« homme [reste] coincé dans une peur adolescente de la vulnérabilité », au point de « se rassurer en donnant une image de dureté et d’insensibilité » ? « Dans la plupart des cas, répond Mgr Thomas Homestead, il a été lui-même gravement blessé et il répète un cycle appris depuis l’enfance » [1].


La destruction progressive de la famille, et particulièrement de la paternité, a pour conséquence une croissance exponentielle du phénomène machiste. Un garçon a besoin d’hommes qui tiennent debout pour rejoindre l’autre rive. Nier le rôle du père, comme le font toutes les nouvelles lois sociétales, ne peut avoir pour conséquence qu’une crise de la masculinité dont la femme subira bien évidemment également les conséquences.


Une société qui permet l’expansion de la pornographie – au point de faciliter l’accès à cette dernière pendant le confinement en rendant gratuit l’accès à ses plateformes –, instrumentalise l’homme et la femme. Plutôt que de se regarder et de s’émerveiller l’un de l’autre, chacun se tourne vers soi-même en expérimentant une pratique narcissique de la sexualité, qui en fin de compte le conduit à se mépriser lui-même et à mépriser l’autre. Le machisme ne peut ressortir que décuplé de telles pratiques.

Si le féminisme se présente comme une lutte contre les hommes, cela engendre une augmentation phénoménale d’hommes qui ne savent plus quelle est leur place, et qui tombent dès lors soit dans le machisme, soit dans la féminisation. Sans nier la réalité des blessures, il me semble qu’un féminisme qui présente les hommes comme des « porcs » ne peut prétendre restaurer la femme dans sa dignité en ne lui présentant comme vis-à-vis qu’un salaud. Dans les deux cas, ce féminisme blessé, qui présente l’homme comme l’ennemi de la femme, a pour conséquence que beaucoup d’hommes renoncent à leur virilité, c’est-à-dire à l’expression ajustée de leur masculinité.


Certains combats féministes croient dénoncer le machisme, mais tombent parfois dans le piège inverse en méprisant l’homme. Or les extrêmes s’alimentent toujours les uns les autres : le machisme est renforcé par un féminisme exacerbé. Voilà pourquoi je ne me reconnais pas dans ces combats. Pour autant, il me semble que les femmes ont un rôle important à jouer pour aider les hommes à assumer pleinement leur virilité.


Laisser aux hommes la place qui leur revient, reconnaître la masculinité comme un bien précieux et le plus beau vis-à-vis de notre féminité, voilà une réponse féminine au machisme. Ainsi, nous aiderons ceux qui peinent à atteindre le rivage en leur permettant de sortir de la traversée mouvementée qui leur confère parfois des allures de machos.


De belles amitiés peuvent permettre de découvrir la richesse et la complémentarité de l’homme et de la femme. N’ayons pas peur d’encourager les jeunes à vivre ces amitiés qui peuvent leur permettre de couler de solides fondations quant à leur masculinité ou féminité. Étudiante, j’ai beaucoup investi dans les amitiés : du temps, de l’énergie aussi, lorsqu’il s’agissait d’organiser des semaines de vacances à la montagne qui réunissaient une quinzaine d’amis. Pour moi, c’était aussi important que mes études. Si l’amitié est un trésor, il ne s’agit pas de prendre ce sujet à la légère. La vulnérabilité des jeunes demoiselles – parfois fatiguées par les mètres de dénivelé, un sac un peu lourd ou encore des entrailles douloureuses –, a permis plus d’une fois aux jeunes hommes de faire preuve d’une attention particulière à leur égard. Je les ai ainsi vus mettre leurs muscles au service de la gent féminine, lorsqu’il s’agissait de décharger celle-ci de quelques kilos, ou revenir sur leurs pas pour offrir un peu de compagnie, et par là un regain d’énergie, à celles qui peinaient à rejoindre la tête du peloton. La femme n’a rien à perdre à laisser l’homme prendre sa place.

La bien-aimée a aussi un rôle important à jouer à l’égard de son cher et tendre. En assumant pleinement sa féminité, elle offre à l’homme de prendre la place qui lui revient. Solliciter la force de son homme, sa capacité de décision, sa protection, et l’admirer dans ses qualités masculines, sont autant d’encouragements pour l’homme qui est appelé à centrer son action sur le bien de l’aimée et des enfants. Comme dans la danse, la femme est invitée à laisser l’homme diriger, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle n’a aucune consistance – il est difficile de danser avec une cavalière molle ! – et qu’elle ne tient pas toute sa place. Sans la présence de la femme, l’homme ne peut valser. Sans le maintien de cette dernière, il ne peut conduire la danse. Sans le rayonnement de cette dernière, enfin, il ne tirera de ses pas aucune fierté. La virilité ajustée, c’est-à-dire non exacerbée comme dans le machisme, requiert un vis-à-vis féminin qui assume pleinement sa féminité.


La mère, enfin, peut être d’un grand soutien pour l’homme qui cherche sa place. Après avoir couvé sa portée, il est temps pour elle de laisser ses oisillons qui n’en sont plus prendre leur envol. Pour cela, la confiance mutuelle que s’offrent les parents est essentielle. La mère doit accepter progressivement que son petit d’homme quitte le nid en laissant notamment au père la place qui est la sienne dans l’éducation. Malheureusement, il arrive qu’une mère retienne dans le nid trop longtemps son enfant, pensant le protéger des dangers du monde. Les occasions de quitter le nid sont en réalité des aventures précieuses pour l’enfant qui découvre comment surmonter ses peurs, qui rencontre des situations où il peut faire preuve de courage et apprendre à mettre sa force au service des autres. L’amour maternel suppose de vivre un jour la séparation : laisser le fils prendre le large lui offre l’espace et la confiance nécessaires pour qu’il découvre ses capacités masculines. Il y a des amours maternelles qui n’en sont pas vraiment tant elles étouffent et castrent. Pour battre, un cœur doit aussi desserrer l’étreinte.


Puissions-nous, femmes, prendre notre place pour permettre aux hommes de garder la leur. Notre féminité assumée est un grand rempart contre le machisme encouragé par notre société.


[1] Lettre de Mgr Thomas Homestead promulguée le 29 septembre 2015

Comentarios


bottom of page